23 mars 2023

Vie de freelance et santé mentale

par

Bonjour tout le monde, j’espère que vous allez bien !

Comme je vous le racontais dans une dernière newsletter, j’écris en freelance depuis deux ans.Je me suis mise en freelance en sortant d’école de commerce, sans expérience ni réseau, ce qui était un choix plutôt inconscient et irréfléchi. D’ailleurs, selon un article du Blog du modérateur, l’âge moyen du freelance français aurait 37 ans, 13 ans de plus que moi lorsque j’ai commencé à travailler. Si je ne regrette pas mon choix aujourd’hui, il est certain que je n’avais pas anticipé le lot de solitude, d’autonomie et d’insécurité qu’impliquerait ce fonctionnement. Je suis ravie de me pencher sur ce sujet et de vous raconter comment j’ai apprivoisé ce mode de travail.

 

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 POURQUOI JE ME SUIS MISE EN FREELANCE 

 

Si cette décision était assez irréfléchie, ce n’était pas complètement absurde pour autant.

Déjà, je ressentais l’envie très forte de laisser de la place à mes projets créatifs personnels, et j’avais l’impression que trouver un travail à temps partiel serait compliqué. Me mettre en freelance m’a alors paru la manière la plus simple et accessible de gagner de l’argent tout en organisant ma vie autour de mes projets à moi.

Et puis, je n’étais pas attirée par l’entreprise. Je suis assez indépendante, j’ai un goût prononcé pour l’introspection, et j’ai toujours eu un peu de mal à m’affirmer en groupe. C’est donc une soif d’indépendance et d’autonomie qui m’a poussée vers ce fonctionnement. Je voyais l’entreprise et les relations professionnelles comme des structures que j’allais subir. Et en effet, être en freelance me permet d’avoir accès à une solitude et une tranquillité qui me permettent d’être très connectée à mon intuition, mes envies et mon imagination. Une enquête d’ADN révélait d’ailleurs que 12 % des personnes pratiquant le travail hybride se considèrent plus créatives lorsqu’elles travaillent à distance et que ce mode de fonctionnement permet de prendre le recul nécessaire par rapport à son travail.

Comme beaucoup d’indépendants, j’adore pouvoir m’organiser comme je veux. Selon une enquête du Blog du Modérateur, les freelances français, espagnols et allemands sont unanimes sur les deux principaux critères qui les motivent à travailler en tant que freelance : l’indépendance et la flexibilité des horaires. Dans les éléments de motivation, le gain d’argent apparaît comme secondaire, même si certains, comme ma copine Eugénie que j’ai interrogée pour cet article, reconnaissent le gain financier par rapport à un poste fixe. J’ajoute que cette envie de flexibilité n’est pas que le propre des freelances.

81% des salarié·e·s Français·e·s souhaiteraient avoir des horaires de travail plus flexibles.

Étude Opinionway réalisée en 2019

J’aime me créer mes propres contraintes, me construire une vie “sur mesure” adaptée à mon fonctionnement et mes envies, et m’écouter au quotidien. Dans l’épisode du podcast Travail en cours Choisir ses horaires de travail nous permet-il de mieux travailler ?, le chronobiologiste Claude Gronfier rappelait que notre « chronotype » (notre horloge biologique personnelle, chef d’orchestre des cycles d’endormissement) était déterminé génétiquement, et que ne pas le respecter pouvait avoir des conséquences sur notre santé. Et dans cet autre épisode de Travail en cours, on en apprend sur les enquêtes menées par le sociologue et psychologue Robert Karasek, qui révélait que pour une charge de travail égale, plus un salarié a d’autonomie, moins il a de stress.

L’expérience me l’a montré : il y a des moments où tout semble d’une facilité déconcertante, d’autres où tout semble pénible et laborieux. Dans ces moments-là, rien ne sert de trop forcer, et j’aime l’idée de pouvoir arrêter de travailler un jeudi après-midi pour faire une expo, en sachant que je pourrais me rattraper plus tard quand je serai reposée et pleine d’énergie. La liberté du mode freelance me permet de m’écouter et de m’organiser en fonction.

Au fond, je crois aussi que j’avais envie de voir ce qui allait se passer si je me retrouvais toute seule, sans système de validation et sans personne pour me dire « c’est bien », « c’est comme ça qu’on fait », « voilà comment on apprend ». Moi qui avait toujours suivi des sentiers balisés, j’avais envie de voir comment j’allais me débrouiller dans la jungle de l’emploi.

Pour cette newsletter, j’ai posé quelques questions à Eugénie Ordonneau, une amie de lycée qui est développeuse et vit aujourd’hui à Londres. Quand elle m’a expliqué pourquoi elle était devenue freelance, elle a mentionné la possibilité de monter plus rapidement en compétences. « Dans ma discipline, être en freelance me permet d’avancer plus vite dans ma carrière. Rapidement, je me suis rendue compte qu’à expérience égale, j’avais plus de connaissances que des développeurs qui n’avaient travaillé que dans une seule entreprise. Ces derniers étaient davantage restés dans leur zone de confort et avaient moins expérimenté que moi. » Ce à quoi elle a ajouté : « Et puis, je ne peux pas me reposer sur mes lauriers et me permettre de ne rien apporter de nouveau à mon client pendant un mois. Finalement, c’est le système qui me stimule et me motive le plus. »

 LA VIE DANS LA JUNGLE 

 

Honnêtement, j’ai un peu déchanté. La liberté, l’autonomie et la flexibilité, n’étaient pas aussi faciles à vivre que l’idée que je m’en étais faite, et le décalage avec la vie de freelance qu’on nous vend parfois sur Linkedin peut être brutal. Derrière les photos de macbook pro à côté de lattes fumants, de luxueuses résidences de digital nomads à Arcachon et de sessions de travail sur des terrasses boisées de chalets surplombant les vallées alpines, peut se cacher une réalité beaucoup moins glamour.

 

On se retrouve sans filet de sécurité

 

L’absence de filet de sécurité peut créer un sentiment de vulnérabilité et beaucoup de stress. C’est lié aux difficultés que le Blog du modérateur mentionnait : « la négociation avec les clients, le paiement dans les temps et l’instabilité financière. »

Je savais, théoriquement, que chaque mission pouvait s’arrêter du jour au lendemain. Le vivre était une autre histoire. Lorsque mon client principal m’a annoncé, en juin dernier, qu’on allait faire « une petite pause d’articles pendant 3 mois », j’ai ressenti un sentiment de vide vertigineux. Cette année-là, j’ai vu mes premiers cheveux blancs apparaître au sommet de mon crâne.

Quand on débute et qu’on est un peu tête en l’air comme moi, la charge administrative peut s’ajouter à ce stress. Je repense à ce moment où j’ai reçu un email de mon Urssaf me rappelant que je leur devais 2000€ et que je devais les rembourser dans les 8 jours. J’avais complètement oublié que j’avais repoussé le paiement de certaines échéances pendant le Covid. On était alors dans le dur de l’hiver, je venais de me séparer et j’étais toute seule dans cet appartement qui me semblait bien vide. À la lecture du mail, je me souviens avoir ressenti une grande impression de précarité et de fragilité. J’ai fini par composer le numéro de mon ex, en larmes. Heureusement, c’était plus de peur que de mal : les gens de l’Urssaf ne sont pas de grands méchants qui allaient débarquer chez moi pour réquisitionner mes meubles et mes bijoux. Un coup de fil plus tard, le remboursement était rééchelonné.

Quand je me suis mise en freelance, par goût de la liberté et de l’autonomie, j’avais plus en tête les contraintes que les avantages à être salarié. Le salaire qui tombe tous les mois, la possibilité de profiter du chômage en cas de licenciement (j’avoue ressentir un peu d’envie pour mes copains salariés qui peuvent prendre quelques mois entre deux jobs pour prendre de longues vacances ou se consacrer à un projet), sans compter les tickets restau, abonnements gymlib, places de ciné pas chères, etc. Ces avantages ont parfois un côté un peu gadget, mais certains ajoutent indéniablement au confort de vie.

Entre périodes de creux et débordement

Quand on a plusieurs clients, le travail n’est pas toujours un long fleuve tranquille. Eugénie l’a bien résumé : « Il m’est déjà arrivé de me retrouver à ne bosser que 2-3 jours par semaine. À ce moment-là, tu n’as pas le même rythme que les autres et tu peux t’ennuyer un peu. Quelques semaines plus tard, j’étais débordée et je me retrouvais à devoir bosser tard le soir et parfois sur le week-end pour venir à bout de la charge de travail. »

Mener plusieurs projets de front et devoir rendre des comptes à plusieurs clients peut être stressant. Eugénie l’a mentionné : « Parfois, ce n’est pas la charge de travail qui pose problème : en termes d’heures, ça rentre. Mais on sous-estime la charge mentale dûe au fait de travailler avec plusieurs clients. » Dans l’article What is a good job ?, Marcus Buckingham mentionnait également cette charge mentale d’avoir à rendre des comptes à plusieurs équipes : « Les personnes qui déclarent faire partie de plusieurs équipes apparaissent comme moins engagées, moins résilientes et moins connectées à leurs collègues émotionnellement. Le stress lié au fait d’avoir à rendre des comptes à plusieurs patrons et gérer à des priorités concurrentes peut ajouter de l’anxiété à la vie des travailleurs. »

« What is a good job ? » by Marcus Buckingham

 

Sans oublier la charge administrative, que je n’avais pas anticipée. Choisir une mutuelle, préparer et envoyer ses factures, anticiper les versements d’impôts… C’est pas bien sorcier, mais il faut le faire !

La difficulté à déconnecter

 

Quand on aime ce qu’on fait, qu’on a un tempérament un peu perfectionniste, qu’on travaille de chez soi et qu’on a personne pour nous dire de rentrer, il peut être difficile de déconnecter du boulot, et particulièrement dans les périodes plus intenses.

En plus d’être un peu perfectionniste, je suis super émotive et j’ai du mal à poser mes limites. Un cocktail un peu explosif en freelance ! D’ailleurs, la newsletter mūsae consacrée au lien entre travail et santé mentale rappelait que certains traits de personnalité créent un terreau fertile pour l’épuisement émotionnel. Ainsi, les personnes consciencieuses, instables émotionnellement ou celles qui surinvestissent le travail en pensant qu’il va les soigner ont plus de risques de se laisser déborder et de s’épuiser à terme.

À ce terreau s’ajoute ma conviction d’être pleinement responsable de ce qui m’arrive, ce qui peut donner lieu à pas mal de pression et de culpabilité. À ce sujet, ce paragraphe de la newsletter de mūsae m’a beaucoup parlé : « L’étude menée par l’Observatoire Amarok montre bien l’importance que les entrepreneur·se·s accordent au faire et à l’agir. On retrouve ici une posture existentialiste dans le sens sartrien du terme (Sartre, 1996) où l’entrepreneur·se n’est jamais que la somme de ses actes. »

Bien sûr, l’insécurité inhérente au statut de freelance ajoute à cette envie l’irréprochabilité. Comme m’a dit Eugénie : « Tu as l’impression d’avoir le contrôle, mais c’est un faux ami : tu dois rendre des comptes à tes clients et ces derniers peuvent mettre fin à ton contrat du jour au lendemain. Une conséquence de ça, c’est que je trouve ça dur de poser une ou deux semaines de vacances. C’est lié à des peurs un peu irrationnelles, je me dis : si je pars 2 semaines, ils vont peut-être se rendre compte qu’ils n’ont pas besoin de moi. »

Bref, comme le mentionnait la newsletter mūsae, l’indépendance vient avec son lot de FOMO (fear of missing out), qui peut impliquer le sentiment de ne pas faire assez de déjeuners professionnels ou de « soirées réseau », de ne pas avoir répondu à cet appel d’offres, de ne pas avoir déposé tel dossier de subventions, de ne pas appartenir au bon réseau, de ne pas être assez présent sur les réseaux sociaux… La liste est sans fin ! Et ce sentiment de Fomo est accentué par les réseaux sociaux et le sentiment d’évoluer dans une société ultra-concurrentielle où l’on peut avoir l’impression d’être facilement remplaçable.

Le sentiment de solitude – dans la vie et le travail

 

En freelance, on est seul au gouvernail de son petit navire. Le premier risque est une perte de lien social, qui peut donner lieu à un sentiment d’abandon et de manque de sens. Dans cet article du 1 hebdo, le sociologue Danièle Linhart expliquait : « Le vrai risque du télétravail, c’est l’isolement social, à fortiori s’il est pratiqué plus de deux jours par semaine. Il peut mener à un sentiment d’abandon, de manque de réalisation, mais aussi de déréalisation : à force d’être seul face à son ordinateur et à des objectifs transmis par le logiciel, on peut finir par perdre de vue la finalité de son travail, la réalité de sa contribution à un programme collectif. »

L’étude menée par l’ADN rappelait également que le travail hybride a des conséquences sur le moral et l’engagement des salariés. Il révélait d’ailleurs que lorsque l’on demande aux Français ce qui leur manque le plus quand ils travaillent à distance, l’émulation collective émanant d’un espace de travail dynamique (43%) apparaît en première position.

Et personnellement, je suis parfois frustrée de ne pas avoir accès à des formes d’émulation et d’intelligence collective. Bien sûr, je m’informe, j’observe ce qui se fait, je demande régulièrement conseil à mes proches, mais je reste privée de l’émulation propre à une communauté de travail. Je trouve aussi attirante la dimension d’inspiration et de transmission présente dans certaines entreprises. Je pense à cette amie qui a des rendez-vous réguliers avec sa « mentor » et avec le petit jeune dont elle est récemment devenue la mentor. Elle en revient toujours challengée, inspirée et nourrie. En freelance, il faut trouver des moyens de faire le point, s’évaluer et s’inspirer en dehors de ces rituels.

Le mythe du « Work from anywhere »

Alors oui, une connexion internet me suffit, je peux travailler un peu partout et il est rare que je bosse trois jours de suite au même endroit. En ce moment, j’alterne entre la cuisine de chez mes parents, les salons des copains, la bibliothèque Sainte-Geneviève et quelques jolis petits cafés. Et puis parfois, un copain m’invite à venir travailler quelques jours au vert ou au bord de la mer. Mais ces moments, qui se rapprochent un petit peu du fantasme de la vie en freelance, représentent une toute petite portion de ma vie professionnelle.

Si la formule « work from anywhere » attise ma soif d’exotisme et résonne avec l’image romantique du journaliste qui écrit dans un pays étranger, la vérité est que je n’ai pas très envie de travailler quand je suis à l’étranger : j’ai juste envie de découvrir et me balader. Et puis, le mode de vie nomade implique des coûts que je ne peux pas me permettre (et potentiellement une lourde empreinte carbone). Bref, on ne profite de cette liberté de mouvement qu’à condition d’en avoir les moyens et à ce stade, j’ai passé un peu plus de temps à bosser depuis la cuisine de mes parents que depuis des plages paradisiaques.

Pour toutes ces raisons, il m’est arrivé de me demander si j’avais fait le bon choix. J’ai eu peur de ne pas avoir choisi l’option la plus simple en choisissant de ne pas passer par la case « salariat ». Et je crois que dans mon cas, si ce n’était pas pour ma newsletter, ça ne vaudrait pas le coup.

 COMMENT Y TROUVER SON COMPTE ? 

 

Profiter pleinement de sa liberté

 

Quand j’ai commencé à travailler, j’avais peur de ne pas parvenir à me discipliner. Résultat, je me mettais de vraies barrières et j’essayais de coller au fonctionnement du salarié : je pensais que si je commençais à prendre des libertés, je n’arriverais jamais à être disciplinée. Mais j’ai compris que je n’étais pas si paresseuse que ça, et que voler quelques heures à ma journée de travail de temps en temps n’allait pas me conduire à ma perte.

M’autoriser à profiter pleinement de cette indépendance a été libérateur. Je me suis lâchée la grappe sur les horaires des salariés et aujourd’hui, je m’autorise plus de petites excentricités : je peux aller marcher une demi-heure pour me changer les idées, changer de lieu de travail en milieu d’après-midi, m’arrêter de bosser à 17h30 pour aller courir et me remettre à travailler une heure dans la soirée, aller voir une expo qui serait bondée le week-end, bosser quelques heures le week-end si j’en ai envie.

Dans un post Linkedin récent, l’experte en personal branding Maud Alavès expliquait qu’elle rédigeait toujours sa newsletter hebdomadaire dans la nuit du dimanche au lundi, que travailler la nuit lui permettait d’être plus concentrée et créative, et que cela ne faisait pas d’elle une workaholic. Et je la comprends : pour moi, l’avantage principal du statut « freelance » est de vivre sa vie à sa façon.

D’ailleurs, je pourrais en profiter encore davantage. J’ai pas mal de copines qui vivent dans d’autres villes européennes et en ce moment, j’ai très envie d’aller leur rendre visite. Étonnamment, je ne me suis pas tellement autorisée ce genre de petites escapades, et j’aimerais mettre plus de spontanéité et d’hédonisme dans mon organisation, et profiter encore davantage de mon autonomie

Créer du lien ! 

 

Parce que j’ai senti que je pouvais me laisser glisser vers une forme d’isolement professionnel, j’essaye d’être un peu plus proactive socialement. Je prends plus d’initiatives, je propose et accepte des cafés, je commente les articles et posts que je trouve qualitatifs. J’ai envie de prendre part à une dynamique d’entraide et de solidarité qui peut participer à casser la solitude et l’individualisme que l’on peut ressentir dans le monde des freelance et des créateurs indépendants.

Dans son article, Marcus Buckingham rappelait l’importance du sentiment d’appartenance à une équipe : « Un bon job semble toujours être un emploi où l’on fait partie d’une équipe de confiance. Si vous faites partie des 16 millions d’indépendants américains, plus vous cultiverez intentionnellement le sentiment de faire partie d’une équipe avec vos clients et vos fournisseurs, plus vous aurez de chances d’aimer votre travail. »

Avec mes clients, j’ai aussi fait quelques efforts de communication. À distance, tout est plus compliqué et je crois qu’il vaut mieux poser trop de questions que de faire des bêtises et se rajouter un stress supplémentaire. Parce qu’on n’est pas membre à part entière de l’équipe, parce que les relations ne sont parfois que virtuelles, les clients n’ont pas toujours en tête qu’on est un jeune humain en apprentissage, j’ai donc dû apprendre à demander du feedback pour progresser et m’assurer que mes clients étaient satisfaits de moi. Par ailleurs, je trouve super de se rencontrer et d’avoir des échanges plus informels à côté du travail, c’est plus sympa et ça permet de rappeler à ses clients qu’on est pas juste un prestataire à l’autre bout d’un email.

Ne pas se mettre la barre trop haut

 

Le monde des indépendants et des entrepreneurs est saturé d’exemples de personnes qui donnent tout et semblent ne jamais s’arrêter de bosser. Entre le growth hacker qui publie 3 posts Linkedin par semaine, la prof de yoga qui publie 22 stories par jour, il est très naturel de se comparer et de commencer à se mettre la pression. C’est super de s’inspirer des autres, mais je crois qu’il est tout aussi important de choisir ses combats et de rester concentré sur ses propres objectifs.

J’ai été très touchée par la sincérité et la lucidité de Constance Lasserre (@hungryconsti), influenceuse food sur Instagram. Au début de l’année, cette dernière s’est confiée en story sur l’impact de son activité sur sa santé mentale : « J’ai un tempérament “over-achiever” et j’ai du mal à dire non à du travail, surtout quand ce sont des choses qui me passionnent. Je m’investis à 10000%, sans aucune réserve. (…) La fin d’année à été très compliquée pour moi. (…) J’ai eu beaucoup de mal à gérer la charge de travail et la pression que je ressentais par rapport à mon taf (…) De plus en plus d’anxiété et beaucoup de doutes, perte de confiance en moi, remise en question, baisse de motivation et de moral. Je me sentais débordée, épuisée et dépassée par tout, jusqu’au moment où mon corps et mon cerveau ont commencé à me lâcher et j’ai senti qu’il fallait que je ralentisse avant qu’il ne soit trop tard.« 

Parfois, je me dis que parce que je suis jeune et que je n’ai pas d’enfants, je devrais mettre un vrai coup d’accélérateur sur le plan professionnel. Mais au fond, je sais que j’ai besoin d’équilibre et de temps consacré à ne rien produire. Je trouve très désagréable de me sentir oppressée par mon travail : j’ai envie d’avoir le temps de voir mes copains, de prendre des cafés au soleil, de lire, de voir des expos, de faire du sport, de cuisiner, de m’ennuyer. Si ces moments de respiration passent à la trappe, je perds vite le plaisir de travailler. Alors comme le disait Géraldine Dormoy dans une récente édition de sa newsletter, il faut peut-être apprendre à se laisser le temps, quitte à ne pas toujours chercher à atteindre « son plein potentiel ». La coach / journaliste raconte :

« En janvier, j’ai fait un rêve si marquant que j’y repense tous les jours. Je conduisais ma voiture sur une voie d’insertion d’autoroute. Je voulais m’engager, mais le trafic était dense et surtout, j’étais en première. Le moteur vrombissait. À l’avant et à l’arrière, sur les sièges passagers, des amies m’encourageaient à passer aux vitesses supérieures. Mais je m’y refusais, l’œil collé au rétro. (…) Il était évident qu’il fallait passer en seconde, mais quelque chose m’en empêchait. Ce n’était pas le moment.

J’ai raconté ce rêve à Vivien, mon psy. Je lui ai aussi donné le contexte, mon envie d’atteindre « mon plein potentiel ». « C’est hautement spéculatif, le plein potentiel », m’a-t-il répondu. Puis il m’a parlé de Rothschild. « Un jour, il a ordonné de retirer ses actions de la bourse. Un collaborateur a protesté : ‘Mais ça va continuer de monter.’ Il a quand même voulu retirer son argent. Les cours ont continué de monter. ‘Vous auriez pu gagner plus d’argent’, lui a dit son collaborateur. ‘J’ai gagné assez’, a répondu Rothschild.« 

Pour ne pas se laisser complètement déborder, choisir ses batailles, s’écouter et poser ses limites est essentiel. Comme me le disait Eugénie : « Si tu ne poses pas tes propres limites, personne ne le fera pour toi. Et surtout pas tes clients, qui ne connaissent pas ta charge de travail.« 

 

Apprendre à déconnecter

 

Dans une interview menée par Sandra Fillaudeau, spécialiste de l’équilibre vie pro / vie perso, le psychiatre, Christophe André insistait sur l’importance de la déconnexion.

C’est une nécessité pour notre cerveau d’avoir des temps où l’on peut décrocher de nos activités, du flux d’informations et des sollicitations. Souvent, les gens croient se détendre lorsqu’ils sortent fumer une cigarette en faisant défiler leurs flux de réseaux sociaux… mais en fait, ils ne se détendent pas, ils fatiguent leur cerveau différemment.

Christophe André.

 

Bon, il ne faut pas non plus dramatiser de ne jamais parvenir à déconnecter tout à fait. Le travail prend une place essentielle dans notre vie et il est normal d’avoir quelques pensées intrusives. Albert Moukheiber, psychologue clinicien et docteur en neurosciences, nous le rappelait dans cette vidéo : « Mon taf me permet de gagner ma vie, c’est une base d’entrée très importante dans la société moderne, donc quelque part c’est normal que notre cerveau soit envahi par cette activité principale qui rythme nos sociétés. »

Ceci dit, ça fait vraiment du bien de déconnecter et certaines activités aident beaucoup. Cette année, voir mes copains et préparer un nouveau spectacle avec ma troupe de théâtre m’a permis de faire des vraies pauses et de déconnecter de ma to-do list. Ces derniers mois, je me suis mise à courir et cuisiner de temps en temps – même constat ! De son côté, Eugénie fait de la boxe en compétition et elle a aussi insisté sur l’importance de garder un hobby à côté de son travail, ajoutant que ça lui permettait de prendre du recul et d’être plus efficace dans son boulot.

Pour pas mal de gens, la famille joue un vrai rôle de garde-fou. Christophe André le rappelait : « Quand vous avez un conjoint, des enfants, une vie familiale, vous voyez beaucoup plus vite que quelque chose ne va pas que lorsque vous êtes célibataire. Vos proches peuvent vous engueuler, alors que si vous êtes seul… Moi c’est ce qui m’a rappelé à l’ordre. »

Sans se rajouter de la pression pour faire 1000 choses à la fois, préserver quelques activités et engagements extra-professionnels peut être précieux. Pour citer une autre newsletter mūsae consacrée au thème « entrepreneuriat et santé mentale » : « Faire du bénévolat, suivre des cours de langues, faire de la danse, jouer de la musique, intégrer une équipe de sport, dessiner, chanter, s’investir dans l’amicale des boulistes du quartier… C’est important de sentir qu’on existe et qu’on réussit dans d’autres sphères que celles liées à son entreprise. »

 

Gérer le flux de missions et s’organiser !

 

Avec l’expérience, on apprend à se connaître et à gérer le flux de missions de façon plus réaliste. On apprend aussi à accepter les hauts et les bas, en termes d’intensité d’activité. Eugénie m’en a parlé : « Il faut accepter les moments de mou et en profiter – pour se former par exemple ! » Personnellement, je prends beaucoup de plaisir à écouter des podcasts, à lire des articles et il m’arrive parfois de payer pour un atelier ou une masterclass. Il y a 1000 opportunités de formation gratuites ou accessibles en ligne, et je trouve très enthousiasmant d’investir dans son propre apprentissage.

Quant à la charge liée à la gestion de sa petite entreprise, Eugénie conseille carrément de consacrer un jour de la semaine au marketing et à l’administratif, des aspects qu’on anticipe rarement mais qui prennent du temps. Mon amie conseille aussi de s’entourer des bons outils : « Pour mes impôts, j’utilise Quickbooks, qui permet de tout centraliser et de ne pas me retrouver à passer 2 semaines sur mes impôts en fin d’année. Et pour les factures, Freshbooks qui permet d’envoyer des jolies factures très pro et de gérer mon temps. J’enregistre le temps passé sur mes missions sur sur l’application, qui à terme crée automatiquement mes factures.« 

D’ailleurs, ma copine Eugénie m’a donné un dernier conseil : garder en tête ce pour quoi on fait les choses ! « Moi, je garde en tête de devenir CTO :  à terme, j’ai envie d’être en charge de la partie software d’une boîte. Quand on se met en freelance, on peut être tenté de basculer dans une logique court-termiste et de prendre ce qu’il y a à prendre. Avoir conscientisé cet objectif me permet de faire le tri dans les missions qu’on me propose. Désormais, je n’accepte plus que les missions qui m’amènent dans cette direction. »  Un grand merci à mon amie Eugénie pour son témoignage !! <3

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