3 février 2023

Solitude et santé mentale par Louise Hourcade

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Bonjour tout le monde, j’espère que vous allez bien ! Je me présente : je m’appelle Louise, j’ai 26 ans et j’écris en freelance ainsi que dans ma newsletter. Comme vous l’imaginez, je travaille beaucoup seule. Je suis plutôt sociable, mais un besoin d’expression et d’indépendance m’a menée vers des activités plutôt solitaires, d’abord le dessin et aujourd’hui l’écriture. J’ai effectué tous mes stages dans des micro-équipes et à ce jour, je n’ai jamais eu plus de 2 collègues.
Je me réjouis à l’idée de prendre la plume régulièrement pour mūsae et je suis particulièrement ravie d’explorer ce sujet avec vous aujourd’hui ! Parce que voilà, je suis tout le temps à la recherche du bon équilibre entre la solitude et le contact avec les autres. Récemment, j’ai réalisé combien cet équilibre influait sur mon épanouissement et combien j’avais encore du mal à m’écouter et à doser.

 

APPRIVOISER LA SOLITUDE

 

Certains ont besoin d’avoir leur soirée pour eux en rentrant du boulot. D’autres s’épanouissent en équipe, en clan, en troupe, et se satisfont d’un café solitaire tous les 15 jours. Pour ma part, j’ai fini par comprendre que j’ai besoin de me retrouver seule un peu tous les jours.

J’ai longtemps idéalisé la vie en communauté, et ce fantasme a donné lieu à des épisodes de saturation mémorables. Il y a quelques années, j’ai vécu avec 9 personnes dans un grand appart’ à Madrid. Ça m’a lassée très vite : l’impossibilité d’aller me faire cuire un œuf sans tomber sur mes colocataires, les soirées à essayer d’échapper aux apéros beerpong, le bruit constant, la pression pour faire des trucs ensemble, l’impression d’être un cas social sans équivalent… J’ai réalisé que le plan “auberge espagnole” n’était pas un long fleuve tranquille. Il y a trois ans, j’ai fait un stage de théâtre d’un mois avec une centaine de personnes et je n’avais pas non plus anticipé que le manque d’intimité et le contact permanent avec les autres – jusqu’à dans mon dortoir de 12 – m’éprouveraient autant. Après l’exaltation de la première semaine, j’ai commencé à me sentir nerveuse et désorientée. Un jour, j’ai fondu en larmes à la cantine. Bref : je trouve la vie en communauté aussi grisante et joyeuse que fatigante, physiquement et émotionnellement .

Mais il m’est arrivé de me retrouver seule et de me sentir alors honteuse ou vulnérable. La solitude s’apprivoise, sans doute. Dans l’épisode La solitudîner du podcast Bouffons, la journaliste Emilie Laystary tentait d’expliquer le malaise que nous pouvons ressentir à l’idée d’aller dîner seul au restaurant, dans une société qui attribue aux repas une notion de convivialité. Il m’est arrivé plein de fois de me retrouver seule et de paniquer. On ne répond pas immédiatement à mon texto ? Je me dis que tout le monde est hyper busy sauf moi. Ou alors, je me demande si j’ai vraiment des amis. A ce moment-là, un petit tour sur Instagram finit de déclencher une petite crise de confiance : je vois défiler les stories du brunch avec la meilleure amie, la photo de groupe du week-end en Normandie à 12… Et à côté des narrations lissées de couples et d’amitiés soudées qui circulent sur les réseaux ou dans les séries, mes relations me semblent soudain distendues, fragiles et compliquées. La journaliste Haley Nahman mettait d’ailleurs des mots justes sur ce “friendship complex” :

« En tant que nouvelle arrivante à New York, j’ai pris l’habitude de me considérer à la périphérie des groupes d’amis de tout le monde. Et si les insécurités de l’enfance marquent l’adulte que l’on est devenu, les médias et les réseaux sociaux remuent le couteau dans la plaie. Chaque jour, sur nos feeds, nous observons les gens faire la curation publique de leur vie – curation marquée par un flux constant d’omissions invisibles et présentant une fausse réalité. Les films et les séries n’aident pas non plus, avec les images de ces sympathiques groupes d’amis qui se retrouvent deux fois par semaine – une fois pour le brunch, une autre pour prendre un verre. »

Quand je suis en groupe, je peux culpabiliser à l’idée de m’isoler. Mais il y a presque toujours ce moment dans la soirée où je me sens brusquement vidée, fatiguée, taciturne – souvent un signe que j’ai besoin d’un moment à moi, calme et solitaire. Mais il est fréquent que je reste, par peur de “faire bande à part” ou simple syndrome de Fomo (abréviation de l’anglais fear of missing out). Un grand jeu de société s’organise ? Souvent incapable de m’extraire tout à fait du groupe, je me pose dans un fauteuil à quelques mètres et je lis très distraitement. Un non-choix un peu naze, en attendant de trouver la force de caractère nécessaire pour m’isoler et lire au lit.

 

Pour mes derniers mois d’études, après un semestre parisien très sociable, je suis partie en échange universitaire en Finlande. Hormis mes quelques heures de cours, les déjeuners à la cantine avec mon unique copain et quelques activités avec ma coloc’ finlandaise, je n’avais jamais rien de prévu. J’ai un peu l’impression d’avoir passé ces 3 mois à me balader toute seule dans Helsinki en écoutant des podcasts. Bon, j’ai aussi visité des jolies librairies, des bibliothèques et des boutiques de design, fait des expos, des cinés et des saunas, dessiné dans des petits cafés. Tous les mercredis soirs, j’allais nager dans une jolie piscine style art déco, non mixte et nudiste. Je me rappelle encore le sentiment de liberté grisant que je ressentais quand je déambulais dans la piscine, anonyme et nue comme un ver.

Cette solitude imposée et l’anonymat dont je bénéficiais à Helsinki m’ont permis de ne pas ressentir le sentiment de solitude honteux qui peut m’accabler à Paris. Dans l’épisode La solitude : pourquoi faut-il l’accueillir ? du podcast Émotions, le psychiatre Gérard Macqueron distinguait d’ailleurs le fait d’être seul, l’isolement et le sentiment de solitude :

« Le fait d’être seul, c’est le fait de ne pas vivre en famille ou en couple. Un jeune étudiant vit seul, une personne veuve vit seule, une personne divorcée vit seule. Pour autant, elles peuvent être heureuses. L’isolement renvoie au fait d’avoir très peu de liens sociaux. C’est subi pour certains, c’est un choix pour d’autres, comme c’est le cas des bergers qui partent plusieurs mois dans les Pyrénées. Et avoir un sentiment de solitude, c’est faire l’expérience intime de ne pas être connecté avec son environnement à un moment donné ou de ne pas avoir de relations satisfaisantes – ce qui peut parfois arriver en soirée, où l’on peut se sentir très seul au milieu de plein de monde. »

Ce séjour à Helsinki était austère, mais j’ai l’impression d’y avoir apprivoisé ma solitude. Je me suis rarement sentie aussi libre, créative et connectée à mes envies. Et je reconnais les bénéfices de la solitude décrits par la psychothérapeute Monique de Kermadec dans le même épisode d’Émotions. Elle le rappelle : la solitude permet de s’écouter, de stimuler son imagination et de se reconnecter à ses sensations :

« Parfois, il est vrai que dans les premiers instants où l’on est seul, on peut se poser la question “mais qu’est-ce que je vais faire ?” Une fois qu’on a apprivoisé cette crainte, on découvre que certaines idées nous viennent. Certains vont se mettre à écrire, d’autres vont se mettre à lire, dessiner, aller se promener. Tout à coup, on peut sentir et vivre pleinement. Parce que quand on est seul, on a le temps de ressentir. (…) La solitude va nous permettre de s’exprimer et d’être franchement nous-mêmes, de retrouver nos valeurs profondes et de mener une vie satisfaisante qui a du sens pour nous. »

Elle rappelle aussi que se préserver des moments de solitude est important, paradoxalement, pour mieux appréhender et vivre ses relations avec les autres. Pour ne pas être saturé par la présence de l’autre et rester disponible à sa famille / son partenaire / ses amis / ses collègues, il est essentiel de respecter notre besoin de solitude.

Aujourd’hui, je sais donc que j’ai besoin de ma dose quotidienne de solitude. Tous les matins, je descends au café en bas de chez moi, je sors un carnet et j’écris tout ce qui me passe par la tête. Cette habitude, en apparence anecdotique, m’est devenue un peu vitale. Écrire m’ancre, m’apaise, me permet de me défouler, d’être plus honnête envers moi-même, de me dépouiller des opinions et des jugements des uns et des autres, d’accepter mes sensations et mes émotions. Tout ça est libérateur. Je me sens aujourd’hui plus affirmée, plus honnête et plus épanouie, et je crois que c’est lié.

OUI MAIS TROP DE SOLITUDE TUE LA SOLITUDE

 

J’ai besoin d’une certaine dose de solitude, mais je pousse parfois le bouchon un peu loin,  jusqu’à me retrouver angoissée, déprimée et démotivée.

Après 2 mois d’introspection à Helsinki, le sentiment de solitude est arrivé. Ma coloc m’avait introduite à sa bande de potes, mais mes amis et ma famille étaient loin de moi, et je ne trouve pas évident de créer de la complicité dans une langue étrangère. J’ai le souvenir d’une soirée où le Finnois a repris le dessus dans les conversations et où j’ai eu un peu de mal à leur rappeler de parler anglais. Après un moment à regarder dans le vide au milieu de conversations tout à fait opaques, j’ai fini par décamper. Un petit moment de solitude que m’a rappelé le super film Lost in Translation, ses scènes d’errances dans un Tokyo lunaire et les rencontres entre Bill Murray et un groupe de publicitaires qui l’assaillent de consignes en japonais.

Lost in Translation, Sofia Coppola

Depuis la fin de mes études il y a 2 ans, je crois que j’ai un peu essayé de me prouver que j’étais capable de me suffire à moi-même. Et si je n’arrivais pas à me motiver et à me discipliner toute seule, c’était que je n’étais pas faite pour passer mes journées à écrire. Ajoutez à cette activité solitaire et à mon statut d’indépendante une rupture et l’arrivée dans mon appart’ d’une coloc pas très présente, ça fait beaucoup de temps seule.

Pourtant, même si historiquement la solitude renvoie à la vulnérabilité, à la marginalité ou à la punition subie, nous vivons aujourd’hui dans une société individualiste qui semble parfois considérer le lien social comme facultatif. Les réseaux sociaux et les contenus culturels sont ainsi saturés de mantras sur l’indépendance et d’injonctions à l’autosuffisance  – “ne compte que sur toi” ; “tu es seul et c’est OK” ; “do not let others decide”. L’autre est ainsi plus souvent désigné comme un obstacle à l’affirmation de soi qu’un pilier, et la dépendance à cet autre jugée comme fragilisante voire malsaine. Ce mouvement culturel est peut-être à l’origine d’une forme d’injonction à aimer la solitude. Moi aussi, je me suis demandée si je n’avais pas envie de le faire, ce voyage “en solo”. Et moi aussi, il m’arrive de juger les gens qui ne sont jamais seuls avec un peu de dédain, parce que je les soupçonne de n’avoir aucune vie intérieure.

Dans son article Why do we aspire to live alone, Haley Nahman explique que vivre seul est perçu comme un rite de passage aux Etats-Unis, ce qui ne devrait pas être si évident quand nous savons que nous sommes des animaux sociaux. La journaliste se demande ce que ça dit de notre perception de l’individu.

« Il existe une vraie mythologie autour du fait de vivre seul aux Etats-Unis, un pays qui met beaucoup d’importance dans l’accomplissement individuel. S’installer seul représente ainsi une étape vers l’âge adulte (…) Les humains sont pourtant des êtres sociaux, coopératifs et interdépendants par définition biologique. Si l’autosuffisance ne nous est pas naturelle, pourquoi donc est-elle considérée comme inspirante ? (…) Notre admiration en dit long sur notre attachement à l’individualisme et l’importance que nous accordons à l’accomplissement personnel. »

De mon côté, pousser le bouchon aussi loin dans la solitude s’est avéré contre-productif, et j’ai bien compris qu’une solitude subie et excessive ne me rendrait pas plus libre, créative et émancipée. Cela me rappelle l’inertie dans laquelle le confinement a pu nous plonger. Alors que les photos de broderies ou de brioches faites maison défilaient sur Instagram, certains n’ont “rien fait de ce temps” parce qu’ils n’en ressentaient ni l’envie, ni l’énergie. Si la solitude est parfois nécessaire pour recharger nos batteries, l’isolement subi peut nous vider d’énergie. Dans son article Self-Isolation is a recipe for depression, Haley Nahman explique que selon la pyramide de Maslow que le célèbre psychologue a schématisée en 1943 pour illustrer sa théorie sur la motivation, on ne peut agir sur nos besoins « supérieurs » (appartenance, estime, accomplissement) qu’à condition que nos besoins plus primaires (besoins physiologiques, sécurité) soient satisfaits. Le besoin d’appartenance et de connexion devrait donc être satisfait avant de s’occuper de son besoin d’accomplissement. Cette hiérarchie très schématique a été critiquée par la suite, mais cette règle se vérifie pour moi : quand je me sens isolée et déprimée, j’ai du mal à “profiter de la solitude” pour me réaliser dans un projet.

Dans mon cas, trop de solitude s’accompagne généralement de sentiments de tristesse, de stress, de démotivation et de fatigue. C’est un moment où je me retrouve seule avec mes doutes, jugements, procrastination, appétits, obsessions… Ces petites voix dans ma tête qui ne nous laissent aucun répit, comme l’exprime si bien Victoire Tuaillon dans sa fiction sonore Mental FM. D’ailleurs, je comprends que l’isolement puisse rendre complètement fou (je pense à Jack, le regard vide devant sa machine à écrire, dans The Shining). Quand ça dure vraiment, la solitude me rend anxieuse. Je peux me sentir un poids dans ma poitrine, la gorge nouée ou le besoin de prendre de grandes inspirations pour me détendre. Mettez des caméras dans mon appart’ un jour où je suis toute seule et vous me verrez scroller Instagram, grignoter du chocolat, lancer un podcast comme ma grand-mère allumerait la télé, ou envoyer des textos à plein de potes pour combler le vide. Au lieu de m’attendrir, les rires que j’entends depuis ma rue me renvoient tout à coup à ma propre solitude.

Trop de solitude, c’est mauvais pour la santé mentale – rappelez-vous la vague de dépressions entraînée par les confinements – mais aussi physique. John Cacioppo, neuroscientifique américain célèbre pour ses recherches sur la solitude, explique que de la même façon que la douleur physique nous avertit d’un danger, le sentiment de solitude est un mécanisme d’alerte. Le chercheur a aussi observé que les personnes isolées se micro-réveillaient plus que les autres dans la nuit – un signe de stress et d’inquiétude, et qu’elles mangeaient plus de junk food. Dans son livre Loneliness, il explique :

Faut-il s’étonner que nous nous tournions vers la glace ou d’autres aliments gras lorsque nous nous sentons seuls au monde sur notre canapé ? Nous voulons apaiser la douleur que nous ressentons en ingérant du sucre pour faire plaisir à notre cerveau.

John Cacioppo.

 

 

TROUVER SON EQUILIBRE

 

J’ai besoin d’un peu de solitude et d’indépendance, mais je commence à accepter que je ne me sens jamais aussi heureuse et sereine que lorsque que je vis dans une maison pleine de vie et que j’entends rires, conversations et bruits d’assiettes qui s’entrechoquent, ces petits bruits du quotidien qui me font sentir entourée. J’ai besoin de voir des copains ou de rencontrer des gens tous les jours – les rencontres et les discussions m’intéressent, me stimulent, m’inspirent, me distraient un peu de moi-même et me redonnent de l’énergie. Petit à petit, j’apprends à reconnaître mes besoins et à agir en fonction. Le dimanche, j’essaye de m’organiser pour rejoindre des amis en semaine. Travailler n’a pas la même saveur quand les journées sont ponctuées de discussions, de petites blagues et de pauses cafés avec mes copains. Et si un jour j’ai besoin de chaleur humaine et que personne n’est dispo, je ne me pose pas 1000 questions et je pars travailler dans un café !

Je commence aussi à parler plus ouvertement de “santé mentale” à mes amies. Comme le rappelait Christelle dans cette newsletter  : “pour calmer le jeu, on arrête de vivre ses peurs en solo. On casse l’isolement social et on en parle ensemble.” La semaine dernière, j’ai aussi commencé à voir une psy. J’y suis allée sans être sûre d’en avoir besoin et réticente à l’idée de m’imposer une dépense de 2×70€ en plus tous les mois, mais cette première séance m’a fait beaucoup de bien. Encouragée par la douceur, l’empathie et la finesse de cette psy, j’ai parlé pendant plus d’une heure et moi qui avais peur d’aller “trop bien”, j’ai lâché des petites larmes. Comme le décrit l’ex-fondateur de Nightline France Patrick Skehan dans cet épisode de mūsae sur l’anxiété des étudiants : “Le fait de parler avec quelqu’un offre la possibilité de bien détailler une situation, les émotions liées à cette situation, d’avoir une vision beaucoup plus claire de ce que je vis et des options que l’on a. Ensuite, on va se dire : “tiens, je pourrais en parler à ce pote / prof / parent. Mais en parler via la hotline permet de faire le cheminement et de quitter cette situation de blocage.”

Moi qui ai longtemps pensé que la solitude était désormais mon fardeau, j’ai désormais envie d’une vie sociale riche qui inclut non seulement mes relations familiales et amicales, mais aussi des collaborations, des échanges et des rencontres.

Il y a quelques années, alors que j’avais très peur de la solitude de la vie d’artiste, la peintre Margaux Derhy m’avait rassurée : dans son cas, c’était tout le contraire. Et en effet, entre de multiples collaborations avec des artisans, le lancement d’une résidence d’artistes, sa formation à la Central St Martins, le lancement d’opérations de soutien aux artistes plasticiens pendant le Covid et la création du Cercle de l’art pour permettre aux femmes artistes de se financer, Margaux a prouvé que la poursuite d’une voie artistique n’était pas incompatible avec un esprit de communauté, de partage et d’entraide. L’autre jour, elle publiait sur Instagram les photos d’une fresque collaborative tout juste réalisée avec une amie et plus de 50 bénévoles. En légende, elle citait ce passage du livre All about Love, de bell hooks :

 

La tradition intellectuelle de l’Occident est très individualiste. Elle n’est pas fondée sur la communauté. L’intellectuel y est souvent considéré comme une personne seule et coupée du monde. J’ai donc dû prendre l’habitude de quitter le champ de mes études pour être dans la communauté, travailler dans la communauté et me laisser changer par la communauté.

Bell Hooks

 

Cette année, j’ai moi aussi envie de collaborer avec d’autres personnes. J’aimerais également m’inscrire à des ateliers d’écriture. Dans la saison 2 du documentaire sur Orelsan Montre Jamais ça à personne, on voit le rappeur passer de longues semaines tout seul dans son studio d’enregistrement à Caen pour travailler sur son deuxième album. Et sans ses deux compères, le rappeur déprimé n’avance pas. L’énergie reviendra quand ils se retrouveront tous les trois quelques semaines plus tard.

 

 

C’est aussi le propos de l’article The Evolution of the solopreneur, qui révèle les conséquences sur la santé mentale de cette vie de solopreneur, d’artiste ou de créatif indépendant (anxiété, isolement, mise en compétition des créateurs) et raconte des histoires de personnes qui ont progressivement transformé un projet solitaire en projet collectif et communautaire – un mouvement que l’article nomme “créativité post-individualiste”.

Dans son épisode Où trouver la force, le philosophe Charles Pépin se demandait :

« Où trouver la force quand les forces semblent manquer, quand les temps sont durs, quand le sort s’acharne, quand la fatigue, l’abattement, le découragement nous guettent ? Où trouver cette force ? En soi, ou en dehors de soi ? Au fond de soi, ou dans la relation aux autres ? »

Sa réponse ? Un petit peu à l’intérieur de soi, dans la volonté et le désir qui sont en nous, mais surtout dans le lien avec les autres, la solidarité et l’amour. Il y a 10 mois, je me suis séparée de mon dernier copain. Ça n’a pas été toujours facile, mais ça a été l’occasion de recontacter des copains que je commençais à perdre de vue, de me rapprocher de mes amis et de partager plus d’intimité avec eux. Et je crois bien que j’ai solidifié mon “réseau affectif”, comme le nomme Victoire Tuaillon dans le très bel épisode Le plan cul et la vieille fille à chats de son podcast Le Coeur sur la table. Elle y conseille notamment de ne pas tout miser sur une relation pour se protéger face à un risque de rupture amoureuse “statistiquement probable et douloureuse”.

En se référant au travail de l’essayiste Brigitte Vassallo, elle pose également une question centrale : si on arrête de considérer la relation amoureuse comme LA relation, qu’est-ce qu’on doit à ses ami.e.s ?

« Qu’est-ce qu’on se doit ? », concrètement ça veut dire : qui sera là dans la détresse, dans la tristesse, dans les moments de deuil et les coups durs ? Qui sera là pour nous apporter un bol de soupe quand on est malade ? Avec qui on crée des liens de solidarité réciproques ? Dans la culture monogamme, c’est l’une des fonctions essentielles du couple. Et la question que se pose l’essayiste Brigitte Vassallo, c’est : que se passerait-il si ces promesses de secours, d’assistance, de soin, d’entraide, on les formait aussi avec nos amis et avec toutes les personnes présentes dans notre réseau affectif ? Que se passerait-il si on leur consacrait autant de temps, d’énergie, d’attention, d’engagement, qu’à nos grandes histoires d’amour romantiques ? Est-ce que ça, ça ne serait pas un peu révolutionnaire ? « 

Je reste un électron libre qui a souvent besoin de sa petite bulle, je reste seule aux manettes de mes petits projets, mais j’ai compris que je ne pouvais pas y arriver toute seule. Cette année, je nous souhaite de rester à l’écoute de nos besoins de solitude, d’introspection, d’espace et de liberté, mais aussi de compagnie, de groupe, de clan, de troupe, de toutes ces relations et ces rencontres qui font la joie et le sel de la vie !

 

L’épisode La solitude : pourquoi faut-il l’accueillir ? du podcast Émotions écrit et animé par Iris Ouedraogo et produit par Louie Média

 

 

 

Les articles Self-Isolation is a recipe for depression ; Why do we aspire to live alone et Does everyone have a friendship complex ? de la journaliste Haley Nahman

 

 

 

L’épisode La solitudîner du podcast Bouffons, écrit et animé par Emilie Laystary et produit par Nouvelles Écoutes

 

 

 

L’épisode Le plan cul et la vieille fille à chats du podcast Le Coeur sur la table écrit et animé par Victoire Tuaillon et produit par Binge Audio

 

 

 

 

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