17 février 2023

Engagement et santé mentale

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Ici, je vous ai déjà mentionné que prendre soin de la santé mentale est un engagement citoyen pour déconstruire nos peurs et transformer notre rapport à soi, à l’autre et au monde. Mais ça marche aussi dans l’autre sens. Avez-vous déjà pensé à vous engager pour votre bien-être ? Depuis quelques années, nous sommes dans une accélération  de discours, de récits, de témoignages pour libérer la parole. Et pourtant, les injustices, les discriminations ne semblent pas disparaître voire augmentent comme l’atteste par exemple le dernier rapport sur les violences faites aux femmes.
Et si on passait à la phase 2. Oui je sais, c’est mon truc à moi. Mais je reste convaincue que ça apaise de dépasser nos peurs, nous mettre en mouvement et d’être l’écoute de l’autre, des situations qui sont différentes des nôtres. Et si notre bien-être mental se trouvait dans le pouvoir de l’engagement ?
J’en profite aussi pour vous annoncer que mūsae devient une association. Donc si vous voulez vous engager et dédramatiser la santé mentale avec nous, vous pouvez désormais nous faire un don. À vot’ bon coeur !

 

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L’ENGAGEMENT POUR LUTTER CONTRE NOS PEURS 

 

Le romancier Goethe disait “tant que nous ne nous engageons pas, le doute règne, la possibilité de se rétracter demeure et l’inefficacité prévaut toujours”. Bon… Je ne suis pas  aussi catégorique que Goethe. S’engager n’est pas toujours aisé ou possible en fonction de l’état psychique ou social dans lequel nous nous trouvons. Mais on l’a vu l’année dernière par exemple lors du début de la guerre en Ukraine.
Nombreu·se·x sont celleux qui se sont engagé·e·s pour soutenir la population civile ukrainienne mais aussi pour déjouer la peur qui les terrassait à l’idée de revivre une guerre sur notre propre continent. Même s’il est parfois resté fugace et surtout à destination d’une certaine catégorie de la population, cet engagement a fait du bien sur le moment. Loin d’être un processus magique, la théorie de l’engagement fait référence à la mise en mouvement qui nous anime et qui nous fait du bien.  

Quand on a un engagement qui nous tient à cœur et qu’on fait tout pour la réaliser, on se met dans une dynamique de réhabilitation personnelle et collective qui change notre lecture du monde et notre rapport aux autres. C’était tout le propos de notre podcast avec Dounia Belaribi, travailleuse sociale pour les femmes.

En plus bien sûr de la thérapie, son emploi a l’effet d’une catharsis pour elle sur son enfance compliquée qui a animé en elle le besoin de justice. Il prime tant que l’intérêt général fait partie intégrante de son parcours professionnel. Mais ce n’est pas tout. Dounia a choisi de vivre sa vie de manière complètement engagée. Elle l’est aussi d’un point de vue culturel en faisant partie de la scène voguing de Paris grâce à sa ballroom. Cette communauté est un lieu ressource à part entière. C’est une scène d’expression et de reconnaissance pour les personnes racisées et queer. « Elle s’y sent bien, elle s’y sent reconnue, elle s’y sent plus forte » nous livre-t-elle dans notre podcast.

 

S’engager pour une cause peut être un moyen de lutter contre notre sentiment d’inutilité face à un drame personnel. C’est le cas de Pierre, porte-parole de Nightline que nous avons eu la chance d’interviewer en vidéo pour nous parler de son engagement comme moyen de surmonter le suicide de l’un de ses camardes d’école et sensibiliser pour ne plus jamais vivre ça.

L’engagement c’est le mouvement aussi et donc le meilleur remède pour démonter ses peurs et ses angoisses. L’activiste écologique Léa Geindreau nous avait raconté comment son engagement au sein d’Alternatiba, un mouvement citoyen pour la justice climatique et sociale, lui permettait de lutter contre son éco-anxiété. Après avoir fait un burn-out en lien avec son travail ne correspondant pas à ses valeurs, elle avait décidé de s’engager plus dans la cause environnementale.  “Je pense que quand on est éco-anxieux·se, le meilleur des remèdes c’est le passage à l’action. Car il permet de canaliser la peur », me livrait Léa en mai 2022.

 

 

S’ENGAGER OUI MAIS GARE AU BURN-OUT MILITANT 

 

Les questions que l’on se pose souvent lorsque l’on s’engage pour une cause sont en lien avec l’énergie dépensée pour rien, le manque de victoire et le sentiment de parler dans le vide. Alors, oui, s’engager peut avoir beaucoup de positif pour vous et peut vous faire ressentir une grande solidarité et un sentiment d’utilité. Mais militer peut aussi être épuisant, ne pas avoir de résultats positifs peut être décourageant et surtout, les milieux militants peuvent également être violents. Si le burn-out émerge au sein de la sphère professionnelle, il réussit à s’étendre et à toucher d’autres milieux et espaces. Les témoignages de burn-out militant augmentent, et même si chaque expérience d’engagement est unique et propre à chacun·e, il ne faut pas nier cette réalité.

Anne-Sophie, militante féministe, nous a fait part de son expérience en tant que militante politique de gauche et de son “parcours difficile à supporter” ayant vécu un genre de burn-out sans vraiment en prendre conscience”Dans le cadre des élections législatives de 2017 puis européennes de 2019, elle a été victime de beaucoup de harcèlements au sein de son groupe militant. Si cela est douloureux, ça l’est d’autant plus qu’elle constate que ces violences sont commises par des personnes militant avec elle. Si aujourd’hui, elle se sent mieux, c’est aussi parce qu’elle a réussi à prendre du recul, mais aussi à prendre ses distances. “C’était uniquement de la haine parce que je suis une femme en politique”
Ce ressenti douloureux et difficile est également partagé par Sandrine, militante politique de gauche, qui ressent aujourd’hui une grosse fatigue. En effet, les contradictions de positionnement et de discours concernant les violences sexuelles au sein des partis exacerbent sa fatigue déjà présente en raison de sa lutte féministe. Aujourd’hui, elle se rend compte de la “nécessité de se mettre en retrait et de s’écouter pour prendre soin de soi”. Elle préfère s’écouter, surtout pour “bien répartir les actions militantes car on ne peut pas être présent·es partout”.

Ces choses-là sont une réalité, mais ne vous en faites pas il ne s’agit pas d’une fatalité non plus. En creusant un peu, il existe différentes manières de réinventer le militantisme pour que celui-ci ne mène pas à l’épuisement. Sandrine et Anne-Sophie mentionnent également l’importance de prendre ses distances pour se retrouver avec des personnes partageant les mêmes luttes, mais aussi les mêmes valeurs. Anne-Sophie nous a également dit qu’aujourd’hui elle prend soin d’elle, notamment avec le collectif de la Relève féministe, regroupant à ce jour des militantes féministes de plusieurs partis, associations ou collectifs, et animées par le même combat : celui des violences sexistes et sexuelles dans le monde politique.

 

MILITER SANS SE SABOTER.
CONNAISSEZ-VOUS LE COMMUNITY ORGANIZING ? 

 

C’est une méthode d’intervention sociale anglo-saxonne popularisée par le militant Saul Alinsky dont l’enjeu est d’organiser la vie d’une communauté en souffrance pour avoir plus de pouvoir et mieux faire valoir leurs intérêts communs face aux institutions publiques. L‘idée c’est de construire des contre-pouvoirs dans une approche pragmatique pour répondre aux revendications des « Have not », autrement dit selon Alinsky les personnes vivant dans des quartiers dits populaires. Il a théorisé le community organizing dans un ouvrage iconique Rules For Radicals.

 

 

Il s’adresse aux jeunes générations désabusées, en quête de sens et de changement. D’après lui, pour changer l’ordre établi, il est nécessaire d’analyser et de construire du pouvoir en s’organisant collectivement, pour mener des actions collectives stratégiques.

 

Le community organizing est une approche élargie du collectif. Il s’agit de mettre tout le monde autour de la table. Les chefs de gang, les propriétaires de bars, les leaders d’associations de quartier, les représentants des agences sociales, les médecins, les avocats, les prêtres.

Saul D Alinsky et Robert E Park. 1925

 

Même s’il n’existe pas une forme de community organizing, mais des formes, il y a un dénominateur commun qui est de se détourner des pratiques centrées sur la mobilisation conflictuelle considérée au profit de la recherche du consensus, et du « gagnant-gagnant »Comment faire ? Intégrer tout le monde, y compris la majorité silencieuse pour dépasser le sentiment de frustration et générer des compromis.  

Les “communautés organisées” le sont par des organisateur·ice·s qui sont identifé·es au sein de la communauté. Leur rôle est d’accompagner son développement en faisant en sorte  que le leadership soit partagé grâce aux notions d’interdépendance, d’ouverture, d’autocritique et d’encouragement des compétences. L’objectif est de sortir de la simple rhétorique, de la position dogmatique et des guerres d’ego qui rendent (parfois) le milieu militant toxique pour notre santé mentale.  Au fait, saviez-vous que Barak Obama a été community organizer ?

Tara Dickman, qui forme au community organizing en France voit le community organzing comme une grille de lecture nous apprenant comment fonctionnent le pouvoir et les rapports de force. Cela permet de voir et de comprendre pourquoi on perd et donc d’y remédier au profit de relations de solidarité, de confiance et de soin du Vivant. Si la méthode du community organizing est largement diffusée aux États-Unis, elle fait sa place petit à petit dans les espaces engagés français. Largement diffusée par l’Alliance Citoyenne basée à Grenoble, l’association s’est élargie à d’autres régions (Grand Lyon, Seine Saint-Denis, Montpellier), toujours avec le même mot d’ordre : » S’organiser pour se faire entendre”. On peut aussi citer a création de structures de formation au community organizing comme Next Level.

 

NOS TIPS POUR MILITER EN SÉRÉNITÉ

 

Alors, et si le community organizing était un des modèles à explorer pour un militantisme plus apaisé. Les risques de burn-out et d’épuisement restent très présents dans l’engagement et une affaire personnelle où nous mettons beaucoup de notre for intérieur parfois pour réparer quelque chose de cassé chez nous.

Nous vous conseillons de vous écouter lorsque vous sentez que votre engagement épuise ou si vous vivez des violences. Prendre soin des autres en luttant pour un avenir meilleur, oui, mais tout en prenant soin de vous. Voici quelques questions à se poser pour garder.

  • Comprendre la motivation profonde de votre engagement. Qu’est-ce que vous essayer de réparer grâce à celui-ci ? Une blessure émotionnelle forte ou un besoin de dépasser l’immobilisme et l’angoisse ?
  • Repérer les signes de burn-out. 
    • Une perte totale d’énergie physique et psychique qui a des répercussions sur tous les pans de la vie (personnelle, sociale, professionnelle).
    • Une perte d’efficacité et un manque d’accomplissement.
    • Une dépersonnalisation voire un cynisme sur la finalité de son engagement.
  • Faire appel à un professionnel de santé mentale si vous en ressentez le besoin. 

 

Les trois points clés à retenir

#1 L’engagement est une mise en mouvement qui améliore notre bien-être mental
#2 Le community organizing est une solution pour dépasser la frustration et impliquer la majorité silencieuse.
#3 Aprendre à repérer les signaux du burn-out pour conserver une relation saine au militantisme

 

 

Dans l’épisode « Le pouvoir de l’amour » du podcast Génération XXTara Dickman, formatrice et consultante, elle livre les clés du community organazing, du leadership non-violent et du « vivre ensemble ».

 

 

L’épisode du podcast On s’tient au jus avec Camille Étienneactiviste pour la justice sociale et climatique, pour en apprendre plus sur l’engagement et l’activisme !

 

 

 

 

Gloria Steinem revient sur sa vie et engagement dans Ma vie sur la route. Mémoires d’une icône féministe. Lire ses mémoires, c’est appréhender le monde des luttes sociales (droits des femmes, droits civiques et droits sociaux) et en apprendre plus sur le community organizing aux États-Unis.

 

 

 

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