9 décembre 2022

Rêves et santé mentale

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Est-ce que vous avez déjà fait ce rêve du père noël qui a décidé de supprimer la taxe foncière avant de terminer sa tournée des confiseurs à la teuf des lutins, tout de vinyle vêtu. Non ? Et bien moi si. Des rêves, j’en fais plein. Je suis de ces personnes pour qui la nuit est un véritable roller-coaster émotionnel. Pas tant parce que je rêve plus que la moyenne, car nous rêvons tou·te·s, mais plutôt car je m’en souviens. Franchement c’est sport tant ils me transportent d’émotion en émotion pour le meilleur et pour le pire. Au réveil chaque matin, j’ai pris alors l’habitude d’écrire mes rêves. Après avoir fait ça, je ressens comme un sentiment de « reset » qui me fait démarrer ma journée nettoyée du stress de la veille. Parfois même j’ai le sentiment d’avoir trouvé la solution à un problème qui me semblait insurmontable quelques heures auparavant. C’est l’effet « avoir dormi dessus”, pour reprendre l’expression bien aimée de nos ami·e·s anglais·e·s (Sleep On It).
Mais que se passe-t-il réellement la nuit pendant notre sommeil ? Quel est l’impact de nos nuits sur notre santé mentale ? Aujourd’hui j’ai envie de vous parler de nos rêves les plus fous. D’ailleurs maintenant qu’on se connaît bien, je voudrais aussi connaître les vôtres pour un prochain épisode de notre podcast La Zone Grise. Il y a un petit questionnaire à la fin de cette newsletter. Promis, c’est super rapide et plutôt cool comme exercice d’après celleux qui ont déjà témoigné ici ou .

 

Découvrez nos podcasts.

 

 

 

QUAND RÊVONS-NOUS ?

 

L’étude des rêves est ancestrale. Déjà durant l’Antiquité, on donnait des propriétés diverses et variées au rêve. Aristote pensait par exemple que le sommeil était provoqué par les effluves digestives qui remontaient jusqu’au cerveau et engendrait le sommeil. D’autres, pensaient que les dieux venaient rendre visite au commun des mortels dans leur rêve pour leur apporter guérison.

Mais c’est au 20ème siècle que sont apparus les premiers électroencéphalogrammes qui nous ont permis de comprendre ce qui se passait pendant notre sommeil. En 1929, le psychiatre allemand Hans Berger a commencé à fixer des électrochocs sur le cuir chevelu de ses patient·es. C’est alors la naissance des neurosciences. Elles nous ont notamment permis de mieux comprendre les différentes phases du sommeil. Il est généralement découpé en trois temps : le sommeil lent et léger qui est celui de l’endormissement, le sommeil profond durant lequel on récupère et enfin le sommeil paradoxal. Ces cycles peuvent se répéter plusieurs fois pendant une seule nuit.

Dans les années 1950, l’analyse de nos rêves vit une véritable révolution grâce au neuro-physiologiste français Michel Jouvet. Il a réussi à définir ce qui se passait pendant le sommeil paradoxal appelé également “Rapid Eye Movement”, période pendant laquelle nous rêvons. La REM (à ne pas confondre avec le groupe de musique) est marquée par une forte activité cérébrale et une très grande détente du corps. Pendant cette période, les régions du CORTEX pré-frontal qui contrôlent les pensées rationnelles sont désactivées. Mais les zones visuelles, de la mémoire autobiographique et du traitement des émotions sont très actives. Les grands muscles volontaires se relâchent (bras, jambes…) et les muscles involontaires restent actifs. Les petits muscles internes quant à eux font des minuscules mouvements notamment les yeux d’où le nom « Rapid Eye Movement ». Durant le sommeil paradoxal, notre corps cesse de réguler sa température. On se rapproche alors de l’état d’un animal paralysé, à sang froid, qui a des hallucinations. Cette phase généralement advient juste avant notre réveil ou par cycle régulier.

 

DEVONS-NOUS VRAIMENT INTERPRÉTER NOS RÊVES ?

 

Pour Michel Jouvet, ce sommeil était une barrière vitale entre rêve et réalité. C’était également un peu la philosophie de notre ami Sigmund Freud. Barrière qui cependant était placée selon lui pour nous protéger de nos désirs, souvent sexuels, refoulés. Pour Carl Gustav Jung, son ex-ami et médecin psychiatre suisse du début du 20ème siècle, le rêve est une véritable réalité intérieure. C’est sur ce point notamment qu’il s’est affranchi de Sigmund. Pour Jung, le rêve est “un produit de l’activité imaginaire de l’inconscient” qui fait émerger des images nouvelles dont on peut ne pas comprendre le sens au premier abord. Ces images ne cherchent pas à cacher, bien au contraire elles cherchent à dévoiler ce qui nous est encore inconnu. D’après le médecin psychiatre suisse, il ne faut pas à tout prix chercher à analyser nos rêves. La clé pour prendre soin de notre santé mentale à travers les rêves c’est de comprendre l’émotion provoquée par notre inconscient et de la porter.

 

 Ils ne trompent pas, ils ne mentent pas, ils ne déforment, ni ne déguisent… Ils cherchent toujours à exprimer quelque chose que l’ego ne sait pas et ne comprend pas.

Carl Gustav Jung

 

Pendant 10 ans, Carl Jung a consigné ses rêves dans un ouvrage nommé Livre Rouge. Pour lui c’était une manière de comprendre ce qui se jouait en lui et de “rendre réel ce qui demande à vivre au plus profond de soi afin de ne pas demeurer des fragments d’être”.  Dans le cadre de son travail de médecin psychiatre, il pense même que les rêves peuvent aider les psychothérapeutes à comprendre les phobies et les obsessions de leurs patient·e·s. Aujourd’hui le Livre Rouge de Carl Gustav Jung est une œuvre majeure de la psychologie analytique.

 

ET SI RÊVER NOUS AIDAIT À DIGÉRER NOS ÉMOTIONS ?

 

Personnellement mes rêves font souvent flipper. Je me retrouve régulièrement dans des situations où je dois fuir une menace, sauver mes proches ou apprendre à voler en “deux deux” pour échapper aux flammes. Mais je ne suis pas la seule. La banque de données des rêves mise en place par Adam Schneider et William Domhoff nous indique que les rêves contiennent plus d’émotions négatives que positives. Et si finalement nos cauchemars avaient une utilité ? Des recherches menées par l’Institut néerlandais des neurosciences ont révélé que le sommeil paradoxal « fait taire la sirène du cerveau ». Il éteint notre amygdale, cette partie du cerveau activée en cas de stress et d’anxiété. Il a été démontré que le manque de sommeil paradoxal de qualité diminue la capacité des gens à surmonter leur détresse émotionnelle et augmente le risque de dépression chronique ou d’anxiété.

 

55% de nos rêves revisitent des émotions éprouvées au cours de la journée.

National Geographic, Hors Série Le sommeil et ses mystères. Novembre 2022.

 

 

SOIN ET SIGNAL D’ALERTE POUR LE STRESS POST-TRAUMATIQUE 

 

En revanche, les cauchemars trop fréquents peuvent être des signes de troubles psychiques. Chez les personnes souffrant de stress post-traumatiques, c’est même devenu une manière de diagnostiquer ce trouble, notamment en raison de leur fréquence.
Une étude de 1998 qui a analysé les données de l’Étude nationale sur le rajustement des vétérans du Vietnam a révélé que 52 % des vétérans de combat faisaient régulièrement des cauchemars, mais seulement 3 % des participants civils. Les cauchemars sont plus fréquents chez les personnes atteintes de stress post-traumatique. Ils surviennent parfois plusieurs fois par semaine. Certaines thérapies proposent de diminuer les poids du stress post-traumatique en soignant les cauchemars, c’est la thérapie par répétition d’images. Dans cette forme de thérapie cognitive, les personnes qui en souffrent, sont invitées à se rappeler et à écrire leurs cauchemars pour leur donner une fin positive. La personne répète ensuite la version réécrite avant de s’endormir dans le but de déplacer le contenu indésirable pendant le sommeil. L’objectif est de reprendre le pouvoir sur ses rêves pour en faire un outil au service de son bien-être.

 

BIEN DORMIR POUR PRÉSERVER SA SANTÉ MENTALE 

 

Lorsque nous dormons, nos cellules se réparent, notre mémoire à court terme est fortifiée, notre créativité est stimulée. Dormir n’est pas une perte de temps, le sommeil est même la clé pour être plus serein·e face à son quotidien diurne.

Manquer de sommeil est un facteur aggravant pour notre santé mentale. Cela nous rend plus stressé·e, anxieux·se voire dépressif·ve·s.

Comment prendre soin de son sommeil ?

  • Zapper les écrans et leur lumière bleue : une heure avant d’aller vous coucher. Oui je sais ce n’est pas évident. Dans notre podcast « santé mentale et réseaux sociaux » enregistré notamment avec le compte Instagram » Et si tu posais ton tel », on vous donne plein de conseils pour arriver à couper le cordon.

  • Oublier les applis qui vous proposent de tracker votre sommeil :  c’est stressant et trop performatif, faites plutôt confiance à votre rythme circadien. Kesako ? C’est votre horloge biologique interne. Elle est le chef d’orchestre de votre journée. Il contrôle les variations cycliques de votre organisme comme la pression artérielle, la production hormonale, les capacités cognitives, l’humeur, la température corporelle, la digestion et le sommeil.

  • Faire du sport le matin

  • S’exposer à la lumière du jour pour entretenir cette horloge biologique. Ok c’est compliqué en ce moment. Vous pouvez opter pour la luminothérapie ou alors les luminettes. Oui je sais on n’arrête pas le progrès.

  • Dormir dans la nuit noire.

  • Essayer de se coucher et de se réveiller à heures régulières : quitte à faire des siestes réparatrices en cas de grosse soirée ou toute autre activité nocturne tardive.

  • Je ne vous refais pas le topo sur les excitants à éviter avant d’aller rejoindre Morphée du type café, thé, cigarettes, alcool…

 

 

Les trois points clés à retenir

#1 – Les rêves sont les clés de votre monde intérieur.
.#2 – Faire un cauchemar n’est pas nécessairement négatif (en fonction de leur fréquence) 
#3 Prendre soin de son sommeil renforce son bien-être mental.

 

La série de podcasts Neuro Sapiens sur les rêves. Des contenus super accessibles pour comprendre scientifiquement ce qui se déroule dans votre cerveau, je recommande le super travail d’Anaïs Roux !

 

 

L’oeuvre digital collaborative The Shape of Dreams pour saisir et interpréter vos rêves à l’échelle mondiale.

 

 

 

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