14 septembre 2021

La santé mentale dans les pays arabes

par

Photo by Patrick Perkins on Unsplash.

La rentrée de septembre est l’occasion d’inaugurer un nouveau rendez-vous éditorial. Parce que la santé mentale n’est pas l’affaire d’une seule culture, d’un seul point de vue, d’une seule clé de lecture, nous vous proposons aujourd’hui d’inaugurer le tour du monde de la santé mentale en commençant par ce qui se passe du côté des pays arabes.

 

PANORAMA 

 

Les pays arabes sont les pays du monde qui souffrent le plus de problèmes liés à la santé mentale. Les taux d’anxiété et de dépression y sont bien plus importants que partout ailleurs dans le monde à l’exception près de l’Egypte.

Souvent, on entend ici ou là que les problèmes de santé mentale sont des soucis de privilégiés ou de personnes qui ont bien trop le loisir de se poser des questions sur leur état mental. Déjà, il faut savoir que les problèmes de santé mentale sont très souvent des facteurs aggravants sur les problèmes de santé physique et peuvent même en être à l’origine.

Et puis détrompons-nous, il s’avère que la santé mentale est avant tout un sujet qui concerne tout le monde, mais qui fait davantage souffrir les groupes de population dits fragiles. Qui sont-ils ? Les personnes isolées, celles en situation de fragilité sociale, celles avec peu de revenus, les jeunes, les femmes et les minorités. Et c’est aussi le cas dans les pays arabes.

 La violence, l’instabilité politique et économique sont des facteurs aggravants comme en Afghanistan.

 

Les périodes de guerre et d’instabilité en tout genre (économique, sociale, sanitaire) ont un impact négatif sur la santé mentale des populations qui deviennent alors fragilisées. Clairement, le peuple afghan connaît après 40 ans de guerre incessante des traumas mentaux très profonds. Presque toutes les familles afghanes ont perdu un proche dans des conditions horribles entraînant de violents PTSD (Post Traumatic Stress Disorder ). Et le problème est que ces femmes et ces hommes sont réduits au silence intérieur car il y a très peu de dispositifs de soutien psychologique mis en place pour les Afghans. En 2018, l’association Human Right Watch y dénombrait seulement 300 psychologues pour une population de 32 millions de personnes. Et la reprise récente du pays par les talibans ne va pas arranger la situation. Évidemment, il est trop tôt pour avoir des chiffres, mais des reportages comme ceux de VICE News  commencent à mettre le doigt dessus.
Le changement radical de régime est d’autant plus violent pour les jeunes nés après 2001 (et donc les attentats du 11 septembre) qui ont grandi en grande partie dans une société beaucoup plus libérée que sous les talibans. Ils ont grandi avec la télévision, l’accès au divertissement et à une éducation mixte. Pour eux, ce n’est pas un retour en arrière, c’est un plongeon dans le noir.

Historiquement aussi, la Palestine est le pays qui souffre le plus de problèmes de santé mentale parmi les pays arabes. Pourquoi ? Car il est marqué par la guerre (et aussi sa non-reconnaissance) depuis maintenant une soixantaine d’années. Jusqu’à 50 %, des jeunes Palestiniens issus de familles à faibles revenus souffrent de problèmes de désordres mentaux (schizophrénie, bipolarité, psychose, démence…).

Enfin encore plus qu’ailleurs, la pandémie a accru dans les Pays Arabes les instabilités économiques. C’est par exemple le cas avec l’hyperinflation au Liban ou encore l’augmentation faramineuse des prix du pétrole en Algérie engendrant ainsi des inégalités sociales et des famines jamais vues auparavant. Autant de sources de stress et d’anxiété intense pour les jeunes générations.

Et bien sûr, les femmes sont avec les jeunes l’un des groupes minorisés qui souffrent de problèmes de santé mentale. Elles sont deux fois plus affectées que les hommes arabes par des syndromes dépressifs, d’anxiété ou encore le syndrome de la “première épouse” observé dans les mariages polygames. C’est un phénomène de santé mentale où la première épouse déclare plus d’anxiété, d’idées paranoïaques et de psychoticisme que la deuxième et la troisième épouse.

Bon de manière générale, il paraît d’ailleurs que le taux de fardeau mental est bien plus élevé pour les femmes partout dans le monde.

AGIR

 

Tout cela, combiné aux stigmas culturels qui rendent le sujet trop tabou pour être discuté, il est aujourd’hui compliqué d’avoir accès à un traitement adéquat dans les pays arabes. On compte en moyenne 1 psychiatre pour 50 000 habitants dans les pays arabes de manière générale. Mais comme c’est souvent le cas lorsque les pouvoirs publics sont affaiblis, les communautés en local s’organisent, se fédèrent et mettent en place des actions pour recréer de la solidarité là où il n’y en a plus. J’ai voulu lister ici (liste non-exhaustive comme d’habitude, je suis preneuse de vos retours et idées) pour normaliser le sujet de la santé mentale dans les pays arabes, libérer la parole et favoriser l’identification de solutions et des professionnels de la santé mentale.

Basma Al Said

Crédits : uaemoments.com

Psychothérapeute de formation, a ouvert la première clinique de santé mentale d’Oman appelée “Whispers of Serenity Clinic for Mental Health”. Ses efforts pour normaliser la santé mentale ne s’arrêtent pas là. Basma Al Said est derrière de nombreuses campagnes de plaidoyer à Oman, et est très franche sur ses réseaux sociaux, où elle compte 159.000 abonnés. Suivez la sur Instagram.

Embrace au Liban

 

Créé en 2013, Embrace est une plateforme de soutien psychologique, une association et un centre de recherche pour veiller à ce que la santé mentale et l’accès aux soins se positionnent comme un droit fondamental pour tou·te·s.

Vous pouvez consulter leur site Internet et leur page Instagram.

L’association Afghan Libre

 

 Pour la dignité des femmes afghanes. Vous pouvez envoyer vos soutiens ici .

Singa

 

Née d’un mouvement citoyen, SINGA crée des opportunités d’engagement et de collaboration entre les personnes réfugiées et leur société d’accueil pour déconstruire les préjugés sur l’asile. SINGA vous propose aussi d’accueillir des réfugiées afghanes grâce à leur plateforme J’accueille.

La Comède

 

Le Comité pour la Santé des Exilé·e·s s’est donné pour mission d’agir en faveur de la santé des exilé·e·s et de défendre leurs droits. Il a des antennes en Provence-Alpes-Côte d’Azur, en Ile-de-France, en Auvergne Rhône Alpes et en Guyane. Vous pouvez devenir bénévole et accompagner les acteurs de la santé en soutenant les permanences téléphoniques régionales dédiées aux professionnels et aux institutions dédiées à la santé des migrants et des personnes en situation d’asile. Plus d’infos juste ici.

Sources : 
– Par pays arabes ici on parle de : Afghanistan, Egypte, Bahrein, Djibouti, Irak, Iran, Jordanie, Arabie Saoudite, Koweit, Lebanon, Libye, Maroc, Oman, Pakistan, Palestine, Qatar,  Yemen, Somalie, Soudan, Syrie, Tunisie, Emirats Arabes Unis.
– The Burden of Mental Disorders in the Eastern Mediterranean Region Raghid Charara,  par Mohammad Forouzanfar, Mohsen Naghavi, Maziar Moradi-Lakeh, Ashkan Afshin, Theo Vos, Farah Daoud,
– World Health O. The World Health Report 2001 Mental Health: New Understanding, New Hope. World Health Organization (WHO) 2001.
– Al-Krenawi A. Mental health and polygamy: The Syrian case. World J Psychiatry. 2013;3(1):1–7. pmid:24175180

Retrouvez les derniers articles

Les grand•es oublié•es des TCA, Avec Mickaël Worms Ehrminger

Les grand•es oublié•es des TCA, Avec Mickaël Worms Ehrminger

  SOMMAIRE  I. L’instant culture  • À l’écran  • Dans les oreilles  • À l’écrit • La question philo • II. Que dit la recherche ?  • Les TCA chez les hommes • Les TCA chez les enfants • Les TCA chez les sportifs • III. Boîte à outils À première vue, les troubles des […]

Pour en voir davantage et accéder à ce contenu, vous devez être membre du Safe Space de mūsae.

Déjà membre ? Je me connecte.