30 novembre 2023

Le syndrome de l’imposteur·euse

par

Coucou tout le monde, j’espère que vous allez bien !

Je suis ravie de vous retrouver dans cette newsletter mūsae dans laquelle je teste un nouveau format : des sortes de “billets d’humeur” plus courts, accompagnés de recos culturelles en lien avec le sujet. J’espère que ça vous plaira ! Bonne lecture !

S’EXCUSER D’EXISTER

 

Hier soir, j’étais à la soirée d’anniversaire d’un gros studio de podcasts. Une amie avait deux invitations et m’y avait gentiment invitée, connaissant mon intérêt pour les podcasts et se disant peut-être que je pourrais y faire des rencontres pour le boulot. J’ai tout de suite accepté, à la fois ravie de boire du champagne avec ma pote et d’apercevoir en chair et en os des journalistes dont je suis les projets depuis des années.

Ma copine connaissait du monde et on s’est retrouvées à papoter avec la DG du studio, un producteur de séries et un jeune homme du Festival de Cannes. J’étais tout à mon aise à les écouter et leur poser des questions, jusqu’au moment fatidique où mon amie a entrepris de me présenter. Là, catastrophe : j’ai bafouillé, eu un petit rire nerveux et dit à toute vitesse que j’écrivais et que j’avais une “petite newsletter”. Sans surprise, un de mes interlocuteurs a hoché la tête et changé de sujet, quand l’autre est allé se reprendre une coupe de champagne.

J’avais conscience de ne pas m’être super bien “vendue”, mais je ne m’en souciais pas plus que ça : j’étais plus venue pour voir ma pote que pour réseauter. Mais je n’allais pas m’en tirer comme ça. Cette dernière m’a prise à part : “Nan mais Loulou, faut que tu t’imposes un peu hein ! Tu t’excuses d’exister, on dirait que tu écris une petite newsletter de rien du tout. Ça ne donne pas envie aux gens !” Prise de court, j’ai bredouillé un “mmmh mouais je sais, je sais”. Parce que oui, je sais : on m’a dit 250 fois que je ne savais pas me vendre et que j’avais tendance à me dévaloriser. Rien que la semaine dernière, pendant un live métier pour l’entreprise Chance, mon interlocutrice m’a demandé si je ne souffrais pas d’un petit syndrome de l’imposteur.

 

75% des femmes sont victimes du syndrome de l’imposteur, contre 50% des hommes.

Je suis rentrée tôt chez moi, infiniment soulagée d’échapper à ces mondanités. Quelques heures plus tard, je recevais un gentil message de ma copine – “Ma Loulou, c’est méga stylé ce que tu fais. C’est pas juste une petite newsletter. C’est pas prétentieux ou mondain de  présenter ce que tu fais avec confiance !”.

J’ai réfléchi. Au début, je me suis dit que je n’étais juste pas faite pour ce genre d’événement. Que communiquer sur les réseaux sociaux était plus facile pour moi que de défendre mon bout de gras en 30 secondes. Que je préférais rencontrer les gens autour d’un petit café, en petit comité et avec du temps pour creuser, que dans ce genre de bains de foule où chacun veut optimiser son temps. Et je pense réellement qu’il ne sert à rien de se faire violence, et qu’il vaut mieux privilégier un mode de rencontre qui nous est agréable. Depuis la rentrée, j’ose plus proposer des verres et des cafés à des gens qui m’intéressent, et c’est un vrai plaisir de faire ces rencontres qui n’ont rien de l’image shark et opportuniste que je me suis longtemps faite du “réseautage”.

Ceci dit, j’ai conscience que me limiter à ce constat revient à mettre de réelles insécurités sous le tapis. S’agit-il d’un syndrome de l’imposteur, d’un manque de confiance en moi, d’une légère forme d’anxiété sociale ? Je ne trouve pas évident de mettre le doigt sur ce qui m’empêche de me présenter avec sérénité, clarté et confiance. Et pas seulement dans ce genre d’évènements mondains : depuis que j’ai rejoint un espace de coworking en septembre, j’ai l’impression d’être redevenue une collégienne timide et gauche, terrifiée à l’idée de déranger et persuadée que tout le monde me trouve “trop bizarre”. En trois mois, j’ai l’impression d’avoir rencontré peu de monde et peu expliqué ce que je faisais dans la vie.

 

APPRENDRE À S’ASSUMER… MALGRÉ L’INCONFORT !

 

Pourtant, je suis fière de ma newsletter, tout comme des textes que j’ai écrits pour mes clients. Ces derniers ont toujours été satisfaits de mon travail, et je reçois régulièrement des retours très encourageants de mes lecteur·ices. Et puis, j’ai l’impression d’avoir dépassé ces freins, qu’on a coutume de nommer “croyances limitantes”. À ce sujet, trois posts mūsae, sous forme de BD-vidéos, rappellent ce que sont les croyances (iciici et ici).
Comme l’explique la coach Zeva Bellel dans ce 1er live mūsae : “Les croyances, on les reconnaît à certains éléments de langage : il faut que, je dois, c’est impossible, je ne peux pas… Ce sont les règles du jeu dans lesquelles on pense évoluer. Ça peut être : “si je fais ça, les gens vont penser que je suis égoïste” ; “si je suis ma passion, je ne vais jamais gagner ma vie” ; “je ne suis pas légitime si je n’ai pas fait 15 formations”; “je ne suis pas créative”.

⁠Et j’en ai déconstruit, des croyances limitantes liées à l’écriture ! Alors que j’ai longtemps imaginé qu’une personne qui écrivait était un homme assez âgé, l’air très sérieux et diplômé de Normale Sup, je m’identifie aujourd’hui à plein de femmes qui font de l’écriture leur métier. Et comme le rappelle cette vidéo mūsae, trouver des modèles est essentiel. J’avais aussi entendu qu’il ne fallait écrire que si l’on ressentait une « vocation inébranlable ». Une croyance très inhibante dont je me suis libérée en écoutant les témoignages de créatifs, transparents sur les doutes et difficultés qui ponctuent leur travail. Notamment, le témoignage d’Elizabeth Gilbert dans son livre Comme par magie, où l’autrice tire des leçons de son propre processus de création pour nous inviter à être plus créatif au quotidien.

J’ai particulièrement été marquée par sa liste des peurs propres à tout processus de création : “Vous avez peur de n’avoir aucun talent. Vous avez peur qu’un autre ait déjà fait la même chose que vous, en mieux. Vous avez peur de penser rétrospectivement que vos tentatives créatives soient une énorme et stupide perte de temps, d’énergie et d’argent. Vous avez peur de ne pas avoir l’espace de travail convenable, la liberté financière, ou du temps à consacrer à l’invention et l’exploration. Vous avez peur d’être dénoncé comme un écrivaillon, ou un imbécile, ou d’être accusé de dilettantisme ou de narcissisme. Vous avez peur que le meilleur de votre œuvre soit derrière vous. Vous avez peur d’avoir négligé votre créativité pendant tellement longtemps que vous ne pouvez pas la retrouver. Je ne vais pas continuer cette liste, parce qu’elle est sans fin et qu’elle est déprimante. Je vais juste la résumer ainsi : ça fait très, très, très peur.”

Cela a beaucoup résonné, car j’ai toujours peur de ne pas être à la hauteur. Plus précisément, de ne pas être capable de produire un travail de qualité de façon durable. J’ai beau être fière de certains textes, chaque nouvelle newsletter, chaque nouvelle mission arrive avec son lot de doutes et de remises en question. Une forme de syndrome de l’imposteur qui prend probablement ses racines dans mon éducation (j’ai des parents plutôt critiques et exigeants), mon parcours d’autodidacte (je n’ai pas fait d’école de journalisme) et mon genre : d’après une étude des Assises de la Parité de 2021, 75% des femmes sont victimes du syndrome de l’imposteur, contre 50% des hommes.

 

Comprendre ce processus de dévalorisation m’aide à le désarçonner. Pour me donner du courage, j’essaye aussi de me rappeler que mon sentiment d’inconfort, d’illégitimité et d’imposture n’existe que parce que je me mets en danger. Dans un épisode de son podcast Change ma Vie sur la procrastination, la coach Clotilde Dusoulier donnait quelques pistes très concrètes et efficaces :

“Ce qui est utile dans une telle situation, c’est d’aborder la situation avec courage en se disant “Oui, il y a un risque de déception, d’échec, de honte, de tristesse. Oui, j’ai peur. Oui, c’est l’inconnu. Mais si je veux grandir et avancer, il faut bien que je sorte de ma zone de confort de temps en temps et que je prenne des risques.” Vous pouvez aussi vous aider de pensées comme : “l’inconfort et le doute font partie du processus créatif et j’avance avec”. Cela générera des émotions d’apaisement ou de courage.”

Et pour les cocktails mondains, il faut que je réfléchisse un minimum à la façon dont je me présente : je suis aussi nulle en “impro” que je suis à l’aise à l’oral lorsque je suis bien préparée. Je n’ai raté aucun des entretiens d’entrée en école de commerce (où “se vendre” était le principe), je m’éclate sur des scènes de théâtre devant des centaines d’yeux inconnus, et je m’exprime sans trop de difficultés sur les réseaux sociaux. Le stress, les maladresses et la dévalorisation n’arrivent que lorsque je dois réagir sur le vif.

Si j’avais un métier simple à décrire ou un intitulé de poste à communiquer, ça ne poserait sûrement pas problème. Mon malaise s’explique par la diversité de mes activités d’écriture. Pour certains, je suis rédactrice ou copywriter. Pour d’autres, je suis journaliste, autrice de newsletter ou encore créatrice de contenus. La semaine dernière, on m’a dit que j’étais influenceuse. Concrètement, j’écris des trucs : parfois par goût et intérêt, parfois pour l’argent. J’adorerais que tout se rejoigne sous un mot-valise simple, comme “writer” chez les Anglo-Saxons. Mais ce mot n’existe pas en français, et il est temps que j’arrête de complexer à cause de cette diversité de casquettes.

Je dois aussi me débarrasser de l’idée selon laquelle je devrais forcément gagner ma vie avec mes projets “passion”, comme le rappelait Nathalie Sejean dans cet épisode du podcast Encore Heureux. Très peu de gens en vivent ! Depuis, j’en ai parlé à une autre amie (qui m’a confirmé que je me présentais de façon ni très claire, ni très assumée). Cette dernière m’a conseillé de formuler ce que je faisais en une ou deux phrases, et d’apprendre cette formulation par cœur. C’est dans la to-do list de cette semaine !

 

Bien sûr, je crois qu’il est important de rester “cool” avec soi-même. La confiance vient avec l’expérience, et découvrir les rouages et les codes d’un nouveau monde professionnel prend du temps. Au-delà du fait que je débarque dans un secteur sans les bonnes étiquettes, je suis encore au début de ma vie pro et il est normal que je manque d’aisance et d’adresse. Ce que Marie Robert nomme le “syndrome des premières fois” dans un post Instagram très juste qui conclura cette chronique :

“Ceci est un premier pas. Je me retrouve dans une pièce, entourée d’habitués ou d’experts qui savent exactement pourquoi ils sont là. Leurs gestes sont mesurés, habiles, leurs paroles sont appliquées et référencées. Je les observe, je les envie, et j’essaye d’absorber leur aisance, de m’approprier leurs mimiques, de faire comme si moi aussi, j’avais toujours été de la partie. Mais dans chaque songe, je finis par trébucher, et comme Alice dans son pays des merveilles, je tombe dans un puits sans fond, et j’aperçois les centaines de connaissances qui me manquent pour être comme eux. Évidemment, on pourrait parler du syndrome de l’imposteur, cependant ici, je crois qu’il s’agit plutôt du « syndrome des premières fois ».

Celui de l’élève qui vient de déménager et qui doit franchir la porte de son nouvel établissement en traversant toute la cour de récré. Celui du novice qui rentre dans la salle de sport, et tente fiévreux, de saisir comment fonctionne le casier. Celui de la nouvelle recrue qui a réfléchi à sa tenue et répète dans l’ascenseur sa phrase d’arrivée. Celui qui, exilé, dépose un pied chancelant dans son nouveau pays. (…) Par où commence-t-on ? Que faire de ces champs vierges d’expérience ? Comment les habiter ? Comment supporter la frustration ? Peut-être est-ce en activant notre plus bel atout qui n’est rien d’autre que notre modestie et se rappeler que le chemin des experts est celui qui avance un pas après l’autre. Je vous souhaite de vous élancer.”

Un essai où le philosophe puise dans les textes des philosophes, les travaux des psychanalystes et des psychologues, mais aussi dans l’expérience de grands sportifs, d’artistes ou d’anonymes, pour éclairer le mystère de la confiance en soi. Cultiver les bons liens, s’entraîner, s’écouter, décider, mettre la main à la pâte, passer à l’acte, admirer, rester fidèle à son désir, faire confiance au mystère… Charles Pépin nous donne les clés de la confiance en soi.

 

 

 

 

 

Pourquoi faut-il réseauter ? A quoi ça sert ? Et comment on fait pour “réseauter” ? Dans cet épisode, Louanne et Valentin font le point avec Karim, conseiller en recrutement et top voice Linkedin et partagent les meilleurs conseils pour commencer à se faire du réseau, l’entretenir, et s’en servir.

 

 

 

 

 

Le test de la psychologue Pauline Rose Clance pour évaluer si on est victime, oui ou non, du syndrome de l’imposteur. Syndrome qu’un article de Welcome to The Jungle décortique, avant de donner des clés pour le surmonter, comme créer son tableau de réussites, lister ses tâches quotidiennes…

 

 

 

 

Rendez-vous jeudi 30 novembre pour une journée dédiée au bien-être des artistes organisée par Les Femmes S’engagent, un dispositif initié par Les Femmes S’en Mêlent. Au programme, 3 ateliers pour apporter des clés de réflexions et des pistes de solutions pratiques sur l’inclusion et la santé mentale dans le secteur de la musique.

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